Se défaire du syndrome de l’imposteur quand on est acteur ou actrice
Le syndrome de l’imposteur touche de nombreux artistes, quel que soit leur niveau de carrière. Même des acteurs et actrices reconnu.e.s, en haut de l’affiche comme on dit, qui travaillent régulièrement, peuvent ressentir ce sentiment d’illégitimité, comme si leur place sur scène ou à l’écran n’était pas vraiment méritée.
En fait, ce phénomène, bien loin d’être rare, freine l’épanouissement et la progression professionnelle. Nous rencontrons et travaillons avec beaucoup de comédien.ne.s, dans le cadre de coaching en évolution de carrière, qui se sentent bloqué.e.s dans leur parcours à cause de ce syndrome. Et, si on en entend souvent parler, on ne connait pas toujours précisément toutes les formes qu’il peut prendre. C’est pour quoi nous vous proposons dans cet article de nous y attarder un peu.
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ?
C’est le sentiment persistant de ne pas mériter ses réussites, d’avoir trompé son entourage sur ses compétences, et la peur constante d’être comme « démasqué ». Les personnes concernées attribuent leurs succès à la chance, au hasard, ou à l’aide des autres, jamais à leur propre talent ou travail.
Les différents visages du syndrome de l’imposteur
Il existe plusieurs manières de vivre ce syndrome, chacun.e pouvant s’y reconnaître partiellement ou totalement. Voici cinq modèle courant que l’on peut retrouver dans tous les domaines, et que nous avons tenter d’adapter au monde artistique :
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Le.a perfectionniste
« Si j’ai décroché ce rôle parce que je suis bon.ne comédien.en, mais parce que c’était une petite production, donc ça ne compte pas vraiment. », “J’ai été pris.e, mais c’est parce que je connaissais le.a réal.”. Dans cette construction, l’exigeant·e a du mal à savourer ses succès. Dans ces cas-là, il ou elle a tendance à minimiser ses réussites ou à penser qu’avoir été choisi·e n’a rien d’exceptionnel. Ce profil considère que le moindre défaut invalide tout le travail accompli. C’était un premier rôle mais…”, -
L’auto-suffisant·e
Ce profil pense qu’il doit absolument tout accomplir par lui-même pour prouver sa légitimité. Demander de l’aide, ce n’est pas tant un aveu de faiblesse qu’une crainte d’être démasqué : « Si je sollicite quelqu’un, c’est que je ne suis pas vraiment autonome, donc pas à ma place. » L’auto-suffisant·e s’impose une image idéalisée de l’artiste qui réussit seul, sans soutien, et se prive ainsi de précieuses collaborations ou conseils. -
Le·la référent·e
Ce profil se compare sans cesse aux artistes reconnus, ceux qui sont devenus des références pour le grand public ou la profession. « Je ne peux pas me considérer comme un vrai acteur tant que je ne suis pas reconnu comme une référence dans mon domaine.” Tant qu’il ou elle n’a pas atteint ce statut, il lui semble impossible de se sentir pleinement légitime. Le·la référent·e pense qu’il faut tout savoir, tout maîtriser, et être reconnu·e par ses pairs ou le public avant de pouvoir s’affirmer comme artiste. Il ou elle multiplie alors les formations, les lectures, les expériences, mais doute toujours de sa place, persuadé·e qu’iel manque encore quelque chose pour être “vraiment” légitime. -
Le.a génie
« Si je dois autant travailler pour ce rôle ou ce casting, c’est que je ne suis pas fait·e pour ce métier. Les vrais talents n’ont pas besoin de tout ça. ». Dans cette construction, ce profil est convaincu que le véritable talent doit s’exprimer sans effort, comme un don naturel. Si un rôle demande du travail, de la préparation ou des répétitions intenses, il ou elle a tendance à penser que cela révèle un manque de légitimité : un « vrai » artiste, selon cette croyance, n’aurait pas besoin de forcer ou de douter.Cette vision conduit souvent à une grande frustration : au moindre obstacle ou à la moindre difficulté, le talent inné doute de lui-même et se sent imposteur. Il ou elle peut même éviter certains rôles ou défis de peur de montrer ses limites, ou se décourager face à l’effort nécessaire pour progresser.
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L’autodidacte
Ce type d’artiste se sent souvent illégitime parce qu’il ou elle n’a pas suivi un parcours « classique » : pas de grande école nationale, pas de diplôme prestigieux, parfois même un apprentissage en dehors des sentiers battus. L’autodidacte a tout construit par la volonté, le travail et la passion, mais il ou elle a tendance à dévaloriser ce cheminement atypique.Souvent, l’autodidacte minimise la valeur de ses professeurs ou mentors s’ils ne sont pas reconnus comme des références dans le milieu. Il ou elle pense que, sans validation institutionnelle ou sans avoir été adoubé·e par les « grands noms », sa légitimité reste fragile, peu importe les réussites ou les expériences accumulées.
A ce stade, il nous semble important de questionner ces croyances limitantes, et de se rappeler que l’exigence envers soi-même peut être une force si elle ne devient pas un frein. Par ailleurs, personne n’a jamais construit une carrière seul.e, l’autonomie n’exclut pas la collaboration et nul n’a besoin d’être une référence incontestée pour être légitime. Chacun avance à son rythme, avec ses doutes et ses réussites, et la richesse et la singularité d’un parcours, ainsi que la force de caractère et la capacité d’adaptation développées au fil du temps, sont autant d’atouts pour évoluer dans sa carrière. Enfin, même les artistes les plus admiré.e.s travaillent sans relâche, répètent, se remettent en question et continuent d’apprendre.
Reconnaître les signes du syndrome de l’imposteur
À partir de ces différents profils, il devient plus facile d’identifier si vous êtes concerné·e par le syndrome de l’imposteur, sous une forme ou une autre. Dre Valerie Young experte sur le sujet et auteure de The Secret Thoughts of Successful Women : Why Capable People Suffer from the Impostor Syndrome and How to Thrive in Spite of It, propose ce quizz qui pourrait vous permettre de reconnaître les signes sur le syndrome de l’imposteur :
– Mettez-vous votre réussite sur le compte de la chance, du timing… ou même d’une erreur informatique ??
– Est-ce que cela vous arrive de vous dire/penser « si je peux le faire, tout le monde peut le faire » ?
– Est-ce que dans votre travail les moindres petites défaillances, les moindres petites erreurs vous inquiète, vous angoisse ?
– Une critique, même constructive, peut-elle vous faire peur jusqu’à la considérer comme une preuve d’incompétence ?
– Lorsque vous réussissez, est-ce que vous avez parfois l’impression d’avoir “grugé”.
– Est-ce vous vous dites qu’un jour, on finira par vous « démasquer » ?
Si oui, alors, vous seriez donc dans la minimisation de vos accomplissements, de vos succès, de votre expertise, de votre savoir, même dans les domaines où vous savez que vous êtes très compétent.e. Vous doutez constamment de vos capacités, alors que vous avez déjà réussi à accomplir des choses bien plus difficiles dans des domaines similaires ou parallèle. Pour vous, accepter les compliments, c’est quelque chose de difficile vous pouvez les considérer sans fondement réel, simplement comme des signes de politesse ou de gentillesse. Il peut vous arriver d’être perfectionniste à l’excès, certain.e que ce que vous faites n’est pas suffisamment abouti. Vous pouvez avoir tendance à vous auto-saboter ou à éviter les opportunités
Comment s’en défaire ? Quelques petits conseils, qui pourront peut-être vous inspirer.
1. Prendre conscience du phénomène
Savez-vous que près de 70 % des personnes, tous domaines confondus, éprouvent le syndrome de l’imposteur au moins une fois dans leur vie ? Ce chiffre provient des travaux des psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes (pdf), qui ont identifié ce phénomène en 1978 à partir d’études menées auprès de femmes ayant réussi dans différents secteurs.
2. Prendre conscience de notre
Et puis, on ne saurait que trop vous conseiller de méditer sur cette réflexion de la chercheuse australienne Rebecca Harkins-Cross, qui s’est penchée sur la façon dont le syndrome de l’imposteur accompagne la « culture capitaliste » de l’effort constant : « Le capitalisme a besoin que nous nous sentions tous comme des imposteurs, car se sentir comme un imposteur garantit que nous nous efforcerons de progresser sans fin : [cela implique] qu’il faut travailler plus dur, gagner plus d’argent et essayer d’être constamment meilleur que soi et les autres » (article à lire ici)
2. Tenir un carnet de good vibes
Gardez sur vous un carnet, si possible physique (dans lequel vous écrirez avec un vrai stylo), pour y noter chaque fois qu’un événement positif se produit dans votre parcours. Cela peut être :
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Chaque retour positif de votre agent ou d’un casting, même si vous n’avez pas été retenu·e : « Il.elle m’a écrit que j’avais cartonné mes essais”. “Cela fait 3 fois que ce.tte casting me rappelle, c’est donc que je l’ai convaincu.e sur les précédents essais”. Sachez que lorsque ce n’est pas le cas, le.a directeur.trice de casting n’a aucun intérêt à faire ce genre de retour.
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Les to-do-list : Notez sur un carnet de notes toutes les actions concrètes à accomplir, qu’elles soient petites ou grandes, en lien avec vos objectifs artistiques : préparer une casting, voir un film (en replay), aller au cinéma, dégoter une avant première, envoyer un mail à un.e metteur.euse en scène précis, ou un.e réalisateur.trice. Cette stratégie des petits pas vous aide à prendre conscience du chemin parcouru, à valoriser vos efforts quotidiens et à renforcer votre confiance en vous.
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Tire le positif de chaque expérience : À chaque fois que vous traversez une situation qui vous met au défi – que ce soit un casting, une projection, un cocktail, une présentation rapide à quelqu’un ou le fait de parler de vous – prenez le temps de faire le point. Notez ce que vous avez réussi à faire, mais aussi ce qui vous a semblé difficile ou que vous n’avez pas réussi à accomplir. L’idée n’est pas de vous juger, mais d’identifier précisément les points à améliorer.
Par exemple, si vous n’êtes pas parvenu·e à vous présenter clairement, cela devient une piste de travail concrète à inscrire dans votre to-do list : « Préparer ma présentation ». Revivez la scène mentalement et écrivez ce que vous auriez aimé dire ou faire. Ce processus vous permet de transformer chaque expérience, même inconfortable, en une opportunité de progression, et de vous donner des objectifs clairs pour avancer.
Chaque fois que vous êtes confronté à une situation confortable (casting, projection, cocktail, parler de vous, etc…), notez ce que vous avez réussi à faire. “J’ai réussi à me présenter facilement”, “Je me suis senti à ma place”, “J’ai réussi à apprendre mon texte en peu de temps”… Notez aussi ce que vous n’avez pas réussi. Ce n’est pas une fatalité. Identifier clairement ce qui vous a mis en difficulté vous permet de travailler dessus. Si vous n’avez pas réussi à vous présenter clairement, vous savez que vous devez travailler sur ce sujet. Ca entrera dans votre “To-do list : préparer ma présentation”. En revivant la scène, vous pourrez écrire ce que vous vous auriez aimé dire.
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Ecouter les doutes des autres artistes connu.e.s : Parfois, entendre que des comédiens chevronnés traversent les mêmes questionnements aide à dédramatiser. Lisez, écoutez des interviews des autres acteur.ice.s et vous les entendrez souvent parler de leur doute. Sans faire une recherche très poussée, on a repéré cet “article” à compulser rapidement ici. Ce
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S’autoriser à être imparfait : Acceptez que l’erreur fait partie du processus artistique. Voir même, elle peut l’enrichir. Elle ne remet pas en cause votre talent. “Réussir” ne veut pas dire grand chose en général, et particulièrement dans le cadre de la création.
- Travailler avec un coach permet de relativiser et de voir que vous n’êtes pas seul·e à ressentir cela.
Pour conclure, ayez en tête que le syndrome de l’imposteur est une étape qu’on retrouve souvent chez beaucoup d’artistes, et qu’il n’est pas une fatalité. En apprenant à reconnaître ses manifestations et en adoptant des stratégies concrètes, il est possible de s’en défaire, pour lever des freins (in)conscients, gagner en confiance, créer des contacts de manière plus apaisée, et au final, développer sa carrière avec une plus grande sérénité.